2023 : une année charnière pour la data

Le 26 avril 2023

Par : Martin Champetier

6 minutes

Data

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2023 : une année charnière pour la data

Si certains changements avaient peut-être déjà été anticipés, 2023, plus que les autres années, semble être celle de la bascule. Un ensemble de facteurs technologiques et gouvernementaux, ainsi qu’une évolution des besoins des utilisateurs ont en effet amené l’industrie à évoluer… et ce n’est que le début ! Retour sur les changements déjà engagés et sur les nouveautés à venir.

Attention :
Dans cet article, nous ferons état de notre expérience mais nous vous invitons à consulter votre service juridique pour vos décisions concernant le RGPD.

Du RGPD à la fin d’Universal Analytics, les grands défis de la collecte des données d’audience

Ces dernières années, nous avions pris pour habitude de collecter l’ensemble des informations de nos utilisateurs pour les traiter et les envoyer vers nos partenaires, publicitaires notamment. Le but était d’en connaître davantage sur eux et de pouvoir les inciter à nous choisir plutôt que nos concurrents. Aidés par les technologies américaines, nous essayions de remplir nos objectifs de ventes, de transformation ou de génération de leads. 

En 2018, Max Schrems, un avocat et activiste pour la protection de la vie privée en ligne (association NOYB) appuie sur l’importance de protéger les utilisateurs européens. Il aide à l’invalidation du Privacy Shield (accord censé encadrer le transfert de données européennes vers les États-Unis) et œuvre pour le respect du RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données). On entre alors dans une nouvelle ère, où l’utilisateur et son choix éclairé sont placés au centre des préoccupations

La technologie a également évolué. Les utilisateurs se sont munis de bloqueurs de publicité pour éviter d’être sollicités en permanence. D’autres navigateurs comme Safari, Brave et Mozilla ont proposé une navigation plus sécurisée en supprimant les fameux cookies tiers, réduisant ainsi l’envoi de données personnelles à d’autres solutions. 

Nous avons aussi vu débarquer sur nos navigations personnelles les bannières cookies (Cookie Management Platform). Pour respecter le RGPD, les annonceurs doivent s’en armer, lister l’ensemble des technologies utilisées et demander le consentement des utilisateurs. La règle devient simple : pas de consentement, pas de collecte. 

Côté marketeurs, après un moment de flou sur la mesure d’audience, les nombreux utilisateurs d’Universal Analytics (Google Analytics – taux d’équipement de près de 92 %) ont finalement vu leur trafic amputé de 20 à 40 %. Après le règne sans partage de GA (notamment grâce à sa gratuité) d’autres solutions sont mises en avant par la CNIL. Elles ne sont pas toutes de véritables alternatives à Google Analytics, mais permettent de compléter les données perdues. La donnée exhaustive et gratuite est désormais derrière nous.

Fin 2022, la CNIL rend illégale la plateforme du géant Américain, suivant ainsi le mouvement initié par d’autres autorités européennes. 

Alors comment collecter des données d’audience en 2023 et les années à venir ? 

2023 : un tournant dans l’univers de la data

Le contexte penche désormais vers un arbitrage de la collecte et une diminution du pouvoir des sociétés américaines sur nos données. En outre, Google annonce une migration obligatoire vers Google Analytics 4. Même si l’opération se fait au sein de la plateforme, le changement technologique est drastique. Cette avancée doit apporter plus de possibilités aux marketeurs, tout en respectant les normes en vigueur en Europe (la CNIL ne fait aucune différence entre l’ancienne et la nouvelle version pour l’instant). 

Si cela n’a pas été anticipé, 2023 marquera la migration d’un système à un autre. Que celle-ci s’opère vers Google ou une autre plateforme, les services digitaux devront prendre en compte : 

  • leur budget ;
  • leurs besoins d’analyse ;
  • le risque de contrôle de la CNIL.

Les solutions les plus évoquées, dans notre environnement, sont les suivantes : 

  • Google Analytics 4 offre une profondeur d’analyse puissante avec toute la facilité de connexion aux autres outils de la suite (Google Ads, Looker, Search Console etc.). Si elle présente l’avantage d’être gratuite, sa seule utilisation peut toutefois engendrer un contrôle de la CNIL. 
  • Piano Analytics s’appuie sur une technologie First Party Cookie pour permettre une collecte hybride (avec un mode exempté). Elle fait partie des solutions recommandées par la CNIL et à une profondeur d’analyse intéressante. Le budget de 15 000 € minimum/an n’est en revanche pas accessible à tous.
  • Matomo est également recommandé par la CNIL. Structurée comme Universal Analytics, cette plateforme conviendra aux utilisateurs qui ont un besoin en analyse plutôt modeste. Plus abordable même si elle n’est pas gratuite, cette plateforme bénéficie également d’un mode exempté. 
Attention :
Dans cet article, nous ferons état de notre expérience mais nous vous invitons à consulter votre service juridique pour vos décisions concernant le RGPD.

Qu’importe votre choix, il faudra également sur cette année 2023 remplir 3 défis : 

  1. Se former

Les réflexes que vous aviez sur votre ancienne plateforme (même au sein de Google) ne seront plus les mêmes. Vous devez vous former et former vos équipes pour la comprendre, conserver les bons réflexes d’analyse que vous aviez et surtout tirer parti de vos nouvelles données. Cela demande du temps. 

  1. Adapter

Généralement, la plateforme Analytics n’est qu’une source de données qui nourrit des tableaux de bord. Pensez bien que lors de votre migration, ces documents de pilotage devront être retravaillés et adaptés aux nouvelles spécificités de collecte.

  1. Historiser

Cela dépend encore une fois de votre besoin, mais vous avez jusqu’au 31 décembre 2023 pour historiser l’ensemble de vos données issues d’Universal Analytics. Après cette date, elles auront disparu et vous ne pourrez plus consulter vos performances des années précédentes. Ne créez pas d’usine à gaz, concentrez-vous sur l’essentiel. 

Si l’année 2023 promet d’être chargée, elle annonce également les défis de demain. 

Quels changements prévoir pour les années à venir ?

Dans les prochaines années, la protection de la vie privée en ligne se renforcera. Les sanctions et les initiatives technologiques forceront les annonceurs à s’adapter. 

Le légal

Après avoir reçu plus d’une centaine de plaintes déposées à travers l’Europe sur les CMP, le Comité Européen de Protection des Données (CEPD) a adopté le rapport de la « task force » qui a réuni 18 autorités européennes. Elle avait pour but de statuer sur les modalités d’acceptation et / ou de refus des cookies et le design de ces bannières. Bien qu’il ne puisse y avoir un format unique, ce cahier des charges aidera à la prise de décisions et aux sanctions si les normes ne sont pas respectées. 

Meta est également repassé à la caisse. Après avoir déboursé 800 millions d’euros en 2022, la société de Mark Zuckerberg se voit accusée de forcer le consentement des utilisateurs à la publicité ciblée sur ses plateformes. Elle dispose de 3 mois pour se mettre en conformité et éviter 390 millions d’euros d’amende supplémentaires. 

En mars 2023, Criteo a dû se défendre en commission à la suite d’une plainte de l’association Privacy International datant de 2018. La société de ciblage publicitaire risque elle aussi une amende de plusieurs millions d’euros. On lui reproche de créer des profils très précis sans en avertir l’utilisateur (Informations partagées à leurs clients sans préciser s’il y a eu consentement ou non).Il ne s’agit ici que d’exemples concernant de grosses sociétés mais cela suffit à dégager une tendance. Certains attendent également une action de la part des gouvernements européen et américain. Malheureusement, il faudra encore faire preuve d’un peu de patience, car le « Data Privacy Framework » (ancêtre du « Privacy Shield ») ne semble pas suffisant. Les notions de « proportionnalité » et de « nécessité » restent sous la houlette de l’exécutif américain. De plus, le recours pour les utilisateurs européens semble biaisé.

La technologie

De son côté, Google aussi souhaite, comme ses homologues, sortir de la navigation avec cookies tiers. Il lance le « Privacy Sandbox » en Open Source et invite tous les acteurs du web à participer à ce projet. Le principe : garantir une expérience sécurisée, renforcer la suppression des trackings invasifs (fingerprint) et conserver l’aspect gratuit du web grâce à la pub. Ce projet devait voir le jour en 2023 mais ce sera finalement le cas en 2024.

Une première tentative nommée FLOC (Federated Learning Of Cohortes) a été rejetée par les participants. Jugée trop opaque, cette solution devait utiliser l’historique de navigation des utilisateurs pour définir des groupes (et non plus des individus). Cela impliquait beaucoup d’IA et une pleine maîtrise de Google

Désormais, la solution devrait se présenter sous forme de « Topics », qui catégorisent les utilisateurs à l’aide de 5 centres d’intérêt. Au total, il existera 350 centres d’intérêt (aucun sensible, comme la religion), parmi lesquels Google pourra piocher pour en attribuer 5 à un utilisateur sur son navigateur. Ces centres d’intérêt ne seront stockés que 3 semaines et l’utilisateur pourra les consulter et les supprimer. Les publicitaires auront accès à certains d’entre eux, mais pas les plus récents. De quoi engendrer un certain scepticisme, à l’heure où le cycle d’achat devient de plus en plus rapide. 

Affaire à suivre pour la fin des cookies tiers et leurs impacts sur la publicité ciblée. Les autres navigateurs ne devraient pas en rester là. 

L’entreprise

Le principal défi des marketeurs dans une économie en mouvement réside dans leur capacité à s’adapter tout en proposant le même niveau de transformation. 

L’optimisation des cookies propriétaires (First Party Cookie) devrait être un enjeu des prochains mois. Le « Server-Side Tagging » a déjà été poussé par Meta et Google Ads pour maintenir la performance des campagnes publicitaires. Cette technologie a déjà permis de limiter la casse sur l’ITP de Safari, notamment grâce à un gain de rapidité du chargement du site, couplé à une maîtrise des données envoyées aux prestataires.

Le renforcement de l’IA est également à prévoir. Pour combler la perte de données, les outils comme GA4 sont pensés pour injecter des données prédictives. « Google Signal » permet également de créer des Buyer Personas grâce aux adresses e-mails des personnes connectées sur Chrome, et devrait maintenir les performances de Google Ads.  

En dehors de ces technologies, les entreprises auront à cœur de soigner leur Inbound Marketing. Le SEO devrait donc être renforcé et travaillé pour fournir la meilleure réponse aux utilisateurs. Une fois sur le site, le contexte de l’utilisateur devra être utilisé pour lui proposer la meilleure expérience possible et favoriser la conversion. 

Le conseil de l’agence WAM
Nous avons amorcé un virage qui conclut la collecte « Far West » de la donnée. Le respect de la vie privée des usagers en ligne se renforcera et sera au centre des décisions de demain. Notre industrie va devoir se réinventer pour proposer le même niveau de performance. Il faudra être acteur de ce changement, l’accepter et faire preuve d’agilité. Des modèles sont en train de se mettre en place mais ne seront pas stables du jour au lendemain. Certains grands noms, comme le New York Times, qui compte plusieurs millions d’utilisateurs par jour, sont déjà en train de réinventer la segmentation de leurs audiences et suppriment tous les trackers publicitaires. Alors comme eux, soyez curieux et osez changer !