L’achat de liens est-il légal ?

Le 29 septembre 2022

52 minutes

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Dans ce 33e numéro du Wamcast, nous nous penchons sur le sujet de l’achat des liens et, surtout, sur le cadre légal qui entoure cette pratique. Pour en parler, on accueille David Eichholtzer, dirigeant et fondateur de l’agence WAM, et Helder Fonseca, consultant RP. Une invitée spéciale nous apporte ses précieuses connaissances juridiques : Céline Moille, avocate au barreau de Lyon, cabinet Deloitte.

Quelle est la place du lien dans les critères de Google ?

La visibilité naturelle repose sur au moins 3 piliers essentiels : technique, contenus et autorité. Sur ce dernier point, plus un site dispose de domaines liants autoritaires – comprenez, provenant de sites différents qui proposent au moins un lien vers un site – plus Google le valorise dans ses classements pour les requêtes associées. Il s’agit d’une sorte « d’élection » en direct, puisque cette autorité est faite à l’échelle du web quasiment en temps réel. C’est ce système, et la rapidité de réponse, qui a fait le succès de Google face aux leaders de l’époque, Yahoo ou Altavista.

À son lancement, ce système s’appelait le « Page Rank ». Au départ, il était matérialisé par une barre verte qui situait l’autorité du site sur une échelle de 1 à 10, 10 désignant les sites le plus autoritaires dans un secteur d’activité.

L’attention des SEO du monde entier s’est rapidement focalisée sur ce pilier du référencement. Bien sûr, il faut un contenu qui propose une réponse à la demande de l’internaute. Sa production peut être effectuée par soi-même ou confiée à un rédacteur, un journaliste, etc. Mais le lien, lui, se mérite, et c’est le plus compliqué à obtenir. On peut notamment passer par de l’échange de liens.

Comment Google traite le sujet des liens ?

De son côté, Google durcit ses règles sur le sujet des liens chaque année, au gré des pratiques parfois créatives des webmasters et SEO, afin de déprécier d’éventuelles « manipulations », pour reprendre les termes de Google.

D’ailleurs, on retrouve sur Google Search Central les pratiques assez basiques qui, aujourd’hui, ne sont pas autorisées. Parmi elles :

  • l’échange de liens excessifs – « ajoutez un lien vers mon site et j’ajouterai un lien vers le vôtre » ;
  • les vastes campagnes de marketing via des articles ou des publications de messages de blog en tant qu’invité, avec des liens de texte d’ancrage riches en mots-clés ;
  • les liens vers des sites de favoris ou des annuaires de qualité médiocre ;
  • les liens riches en mots-clés, cachés ou de faible qualité, présents dans les widgets diffusés sur différents sites ;
  • les liens largement distribués dans les pieds de page ou les modèles de différents sites ;
  • les commentaires sur les forums incluant des liens optimisés dans le message ou la signature.

Devant l’impossibilité de faire des échanges de liens pour devenir autoritaire, de nombreux systèmes et méthodes ont été développés par les professionnels du SEO. C’est particulièrement vrai en France, où une véritable économie du lien s’est développée.

Toujours selon Google Search Central, voici quelques exemples de ces systèmes de liens prohibés par Google :

  • l’utilisation de programmes ou services automatisés pour créer des liens vers votre site ;
  • les liens imposés dans le cadre de conditions d’utilisation, d’un contrat ou d’un arrangement similaire sans laisser à un propriétaire de contenu tiers la possibilité de décrire le lien sortant, s’il le souhaite ;
  • l’achat ou vente de liens qui transfèrent le PageRank. Par exemple : l’achat de liens ou de messages contenant des liens, l’échange de biens ou de services en échange de liens, ou l’envoi d’un produit « gratuit » en échange d’un commentaire incluant un lien.

Que sont les PBN ?

Aujourd’hui, on peut mettre en avant deux types de plateformes de liens. D’un côté, celles qui vendent des liens sur des sites médias. En réalité, ce sont des régies pub uberisées qui monnaient des articles sponsorisés. De l’autre, les Private Blog Networks, ou PBN. Ce système consiste à construire un réseau de sites pyramidal, où chaque étage vient alimenter en liens celui du dessus. Et ce, ainsi de suite, jusqu’aux sites se trouvant tout en haut.

Là où un média vend de la pub auprès de son audience, le PBN vend des liens sur la base d’une autorité complètement artificielle. Concrètement, vous payez un éditeur pour la présence d’un lien publicitaire dans un site qui correspond à votre thématique dans le but de faire la promotion de votre site. Et ce, sans pour autant faire la mention du caractère publicitaire du lien. On peut clairement parler de pratique commerciale trompeuse.

Si Google constate que votre autorité ne repose que sur les PBN, il peut y avoir sanction algorithmique. Le risque est même double puisque, le plus souvent, les sites qui composent ces PBN, ces réseaux de sites, sont assez pauvres en valeur informative. L’objectif est d’abord de ranker pour envoyer un lien « fort ». Mais Google multiplie les filtres, qu’il met à jour via des Core Updates, comme Helpful Content, qui combat les contenus de faible qualité, ou les Product Reviews, qui s’attaquent à la qualité des avis des pages produits.

👉  Retrouvez les explications de David Eichholtzer et Helder Fonseca dès la 9e minute de ce Wamcast.

Comment Google détecte la présence de liens payés ?

Concernant la détection de liens payés, la souris a un peu d’avance sur le chat :  Google ne sait pas vraiment faire la différence entre un bon lien et un mauvais lien. Il peut seulement se protéger vis-à-vis des utilisateurs en expliquant dans ces consignes :

« Les liens payants ne constituent pas tous une infraction à nos consignes. L’achat et la vente de liens à des fins publicitaires constituent une pratique commerciale régulière sur le Web, excepté lorsqu’il s’agit de manipuler les résultats de recherche. Pour indiquer que les liens ont été achetés à des fins publicitaires, effectuez l’une des actions suivantes :

Ajouter un attribut rel= »nofollow » ou rel= »sponsored » à la balise « a »

ou encore :

« Rediriger des liens vers une page intermédiaire dont l’accès est bloqué aux moteurs de recherche par un fichier robots.txt.

Google s’efforce de ne pas prendre en compte les liens ayant pour but de manipuler les résultats des moteurs de recherche, tels que ceux utilisés dans des échanges de liens excessifs et ceux achetés uniquement afin d’améliorer le classement PageRank. Si vous voyez un site qui achète ou vend des liens qui améliorent le classement PageRank, contactez-nous. Nous utiliserons ces informations pour améliorer nos algorithmes de détection de ces liens. »

👉Le point complet est à écouter à la 17e minute de ce Wamcast.

Achat de liens : que dit la loi ?

👉Vous pouvez retrouver le point légal et juridique complet avec l’expertise de Céline Moille à partir de la 26e minute du Wamcast.

En ce qui concerne le linking, la loi commence par se concentrer soit sur le consommateur, soit sur les relations entre sociétés. Le plus marqué reste le consommateur de produits, l’utilisateur de Google et d’Internet. Par définition, au regard de la loi, le consommateur fait figure de partie faible : c’est celui que l’on va protéger coûte que coûte.

Toutefois, le droit va beaucoup plus lentement que les innovations technologiques et la manière dont sont présentées les informations qui arrivent sur Internet. La loi intervient donc après coup. Il est aussi important de comprendre que l’on doit ajouter aux volets « consommateur » et « création de la loi » un aspect international. Et pour cause : Google n’est pas une société française et les internautes sont, par définition, présents partout dans le monde.

Il faut donc essayer de qualifier juridiquement les situations rencontrées avec les textes du Code civil, du Code de la consommation, etc.

Que risque une marque si les pratiques de linking sont découvertes ?

Il est important de rappeler que Google n’est pas la loi. Quand on regarde Google Search Central, on retrouve des éléments qui expliquent qu’il existerait des escroqueries, des domaines parallèles, des shadows, des pages satellites, des doorways, etc. Il existe donc un risque déréférencer. C’est que l’on pourrait appeler « la loi par Google ».

Dans la sphère française, des qualifications juridiques permettent de condamner pour parasitisme, pour concurrence déloyale ou pour des problématiques de pratiques commerciales trompeuses.

Que risque un éditeur qui ne qui ne respecte pas le Code de la consommation ?

Il existe une multitude de règles à respecter :

  • la loi Informatique et libertés de 1978 ;
  • le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) ;
  • la loi pour la confiance dans l’économie numérique de 2004, qui a spécialement organisé un régime de responsabilité pour les acteurs d’Internet en cas de publication de contenus illicites sur le web.

Il existe des définitions bien précises pour chaque maillon de la chaîne. Le consommateur a été qualifié mais il faut également pouvoir qualifier l’hébergeur, l’éditeur et le directeur de la publication dans la loi.

L’hébergeur

Pour le juriste, il s’agit de la personne qui met à disposition du public, par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toutes natures, fournis par des destinataires de ces services.

La responsabilité de l’hébergeur ne pourra pas être engagée du fait des activités ou des informations qui sont hébergées, sauf s’il avait effectivement connaissance de leur caractère illicite. Et si, au moment où il en a eu connaissance, il n’a pas agi rapidement pour retirer les données ou les rendre impossible l’accès.

L’éditeur

L’éditeur est la personne qui détermine les contenus qui doivent être mis à la disposition du public sur le service qu’il a créé ou dont il a la charge. D’un point de vue juridique, le responsable est donc davantage l’éditeur.

Le directeur de la publication du site web

C’est lui qui va être chargé de rendre public le contenu éditorial. C’est donc lui qui doit veiller à exercer correctement son devoir de surveillance et à s’assurer que tout soit conforme aux pratiques du droit de la consommation et de la captation de clientèle.

Dans quelle catégorie peut-on ranger les sites dits « PBN » ?

Aujourd’hui, il n’existe pas de qualification propre à cette matière, à cette mise en lumière de référencement. Ce qui importe, c’est finalement de savoir qu’il y a des règles applicables à tous les sites Internet : des éléments très basiques, comme les mentions légales, les conditions générales de vente, etc.

On ne peut donc pas catégoriser aussi spontanément tout ce business car, comme expliqué précédemment, il évolue beaucoup plus vite que les qualifications juridiques. En fonction de la manière dont vont être utilisés ces achats de liens, les régulateurs et les juges vont s’emparer de ce fait pour tenter de le ranger dans une catégorie, mais il n’existe pas encore de définition globale.

Une marque condamnée peut-elle se retourner contre l’agence qui l’a conseillée ?

Le premier réflexe consiste à regarder le contrat qui a été passé entre la société et l’agence. Quelles étaient les obligations de chacune des parties ? Est-ce que ces communications sur les réseaux sociaux ou ces systèmes d’advertising étaient mentionnés dans le cahier des charges ? Les agences commencent à peine à se tourner vers des contrats prévoyant des cas de litige sur la création de contenu sur le web. Auparavant, elles n’avaient que le pilotage en tant que tel, sans forcément détailler avec qui elles allaient travailler.

Ensuite, il faut regarder quelles étaient les contraintes imposées par l’agence à ce média au sens large (réseau de sites, sites d’information ou même influenceur).  Il y a donc toute une chaîne de responsabilités qui peut s’enclencher si l’on considère que chaque maillon de la chaîne a participé à la tromperie du consommateur.

Cela peut donc aboutir à des sanctions à tous les étages : référencement par Google, sanction prononcée par le juge et mauvaise publicité pour la société.

👉 Retrouvez la fin des échanges entre Céline Moille, David Eichholtzer et Helder Fonseca à partir de la 42e minute de ce Wamcast.

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