Les 10 règles de rédaction à appliquer d’urgence
Il y a des mots et des formules qu’on ne voudrait plus voir… ni entendre. On est tous tentés, sous l’influence de l’anglais (le plus souvent), ou parce que l’usage a propagé une expression fausse, d’utiliser des termes incorrects ou hasardeux. Bref, de parler en « mauvais français ». Parce qu’on estime qu’il est moins grave de faire une faute quand on sait que c’en est une, on vous présente nos conseils et astuces pour éviter les erreurs et abus de langage les plus courants.
1. Se méfier des anglicismes
Pas besoin de faire du marketing pour s’en rendre compte : les anglicismes gagnent du terrain dans la langue française. C’est particulièrement vrai en entreprise, où l’on trouve qu’un argument « fait sens » et où l’on se met volontiers à « implémenter des process ». Mais au-delà de ces expressions facilement remplaçables, il y a aussi tout un panel de termes qui ponctuent nos phrases : « coach », « burn-out », « deadline », « alternative », « low cost », « sold-out », « teaser », etc. À cette liste, on peut ajouter « challenger » et « impactant », qui comptent parmi les plus difficiles à abandonner.
À la manière du téléphone portable, le mot « challenger » est devenu indispensable, au point que l’on se demanderait presque comment on a pu évoquer la même idée pendant des décennies avant de faire des infidélités au français. « Challenger », en plus d’évoquer une navette spatiale au destin funeste, est facilement remplaçable. En fonction du contexte, on peut choisir un autre verbe tout simple ou une expression verbale plus longue : « remettre en question », « débattre », « repenser », « retravailler », « mettre à l’épreuve », « comparer », « tester les limites », etc.
Dans son sens premier, un « impact » nécessite la participation d’un projectile. Conséquence : si le projet, l’article ou la campagne dont on parle n’a pas physiquement touché quelqu’un ou quelque chose, on ne peut pas le qualifier d’« impactant ». Toutefois, on accepte un second sens au mot « impact », que l’on comprend alors comme un synonyme de « retentissement ». Ce qui ne justifie pas l’utilisation du mot « impactant » pour autant.
En fonction du contexte, on peut le remplacer par un autre adjectif ou une autre formule : « qui a un fort impact / des retombées / une influence / des conséquences » , « qui a bien marché », « qui a fait réagir », « qui n’est pas passé inaperçu », « dont les effets se sont fait ressentir », etc.
2. Bannir les mots inventés
Pour reproduire ce que l’on a entendu et jugé élégant, ou parce que l’on a toujours cru qu’un mot ou qu’une expression se disait d’une certaine manière, on se complique parfois la vie avec des mots… qui n’existent pas !
C’est le cas, par exemple, du mot « candidater », dont l’utilisation part d’une bonne intention : celle d’utiliser un seul mot au lieu de trois (« déposer / soumettre une candidature »). Sauf qu’il existe déjà un terme tout aussi efficace : « postuler ». Pour éviter la répétition « postuler au poste de », on peut « se présenter au poste de ».
Dans la même veine, « solutionner » est reconnu par certains dictionnaires (qui précisent que le terme est controversé ou critiqué) et a même suscité l’intérêt de l’Académie française. Contrairement à « candidater » , ce n’est pas pour éviter d’utiliser une formule trop longue que l’on a inventé « solutionner », mais plutôt pour contourner les difficultés de conjugaison du verbe « résoudre ». Si l’on souhaite employer un verbe du premier groupe, on peut envisager dans certains cas « traiter » et « mener à bien ».
3. Employer correctement les expressions piégeuses
Il y a des mots que l’on emprunte, d’autres que l’on invente et d’autres encore… que l’on torture. Parmi ces abus de langage, le verbe « générer » est sûrement l’un des plus courants. Ce synonyme de « faire naître », « entraîner », « engendrer », « produire » ou « avoir pour conséquence » s’utilise depuis longtemps en français. Pour preuve, on en retrouve la trace dans des ouvrages de Balzac !
Pendant des décennies, il a été assez rare, voire un peu désuet, mais il a connu un regain de popularité dans les années 1960, sous l’influence de l’anglais « to generate ». Il ne s’agit pas d’un anglicisme ou d’une réelle faute de français, mais plutôt d’un usage abusif, au détriment de ses synonymes cités plus haut.
Le terme « pallier » pose lui aussi régulièrement problème. Doit-on dire « pallier un manque » ou « pallier à un manque » ? La première difficulté réside dans le fait que le mot « palier » avec un seul L existe aussi. Le premier signifie « compenser » et le second désigne la plateforme située entre deux étages. Si un usage abusif de l’expression voudrait imposer la forme « pallier à », il n’y a pourtant pas de doute à avoir : « pallier » s’emploie comme son synonyme « compenser ». Autrement, on peut aussi envisager « remédier à ».
Autre abus de langage courant : le mot « vertueux », employé au sens de « qui a des bienfaits ». On parle notamment de « cercle vertueux » par opposition au « cercle vicieux ». Problème : le sens premier et officiel reconnu par les dictionnaires est celui de « courageux », « vaillant », voire « chaste ». On qualifie de « vertueuse » une personne qui « possède des qualités morales » ou qui « est mue par un idéal moral, religieux ». Dans un contexte autre que celui des croisades ou de la chevalerie, on peut lui préférer « bénéfique » ou « qui a des retombées / conséquences positives ».
4. Limiter les adverbes
Pour Stephen King, « l’enfer est pavé d’adverbes ». Au premier rang de ceux-ci se trouvent « très » et « vraiment », employés tant à l’oral qu’à l’écrit. Dans certains cas bien précis, les adverbes peuvent apporter une nuance ou mettre l’emphase sur un verbe ou un substantif. La plupart du temps, surtout dans des textes professionnels, on peut les supprimer sans changer le sens du message, et c’est d’ailleurs un bon moyen de gagner en efficacité.
Impossible (et inutile) de supprimer tous les adverbes de tous ses mails, articles, présentations et échanges divers. En revanche, on peut prendre un bon réflexe : au moment de la relecture, se concentrer sur les phrases un peu trop longues et se demander pour chaque adverbe « est-ce que je peux m’en passer ? ».
5. Privilégier les termes précis
Selon l’Académie française, les dictionnaires classiques comptent environ 60 000 mots. Sur ce nombre, le Français moyen n’en utilise que 2 500 à 6 000. À titre de comparaison, on estime que Guy de Maupassant en connaissait à peu près 12 000.
En français, plus un mot compte de syllabes et plus il appartient (en règle générale) à un niveau de langue élevé. Et sans aller puiser dans un vocabulaire plus rare ou compliqué, on gagne en précision en se forçant à employer les synonymes des termes que l’on emploie très (trop) souvent. Varier son vocabulaire permet aussi d’éviter les répétitions, que la langue française tolère assez mal.
C’est d’autant plus important pour les verbes, qui indiquent l’action commise dans une phrase. Sauf si l’on recherche un style très oral, mieux vaut donc éviter les auxiliaires « être et « avoir », les verbes « faire » et « aller », les « il y a » et les « c’est », au profit de termes plus exacts et plus concrets : « rester », « demeurer », « figurer », « sembler », « avoir l’air », « effectuer », « réaliser », « obtenir », « détenir », « disposer de », « présenter », etc.
Voici quelques exemples pour gagner en précision :
- un personnage connu → un personnage illustre / célèbre
- je suis très fatigué → je suis épuisé
- faire à manger → cuisiner
- faire une drôle de tête → afficher une drôle de tête
- il y a des tulipes dans le jardin → des tulipes fleurissent / poussent dans le jardin
- Émilie est généreuse → Émilie fait preuve de générosité
- c’est une raison pour → cela constitue une raison pour
6. Se débarrasser des tics de langage
Adopter un style oral à l’écrit peut constituer un parti pris littéraire. Or, la neutralité reste bien souvent une valeur sûre. Ainsi, on essaiera autant que possible d’éviter de reproduire à l’écrit des tics de langage acquis bien souvent par simple effet de mimétisme avec ses interlocuteurs.
La première étape consiste à bannir de son vocabulaire, à l’écrit du moins, les « mots béquilles », ces tics de langage vides de sens, dont la seule fonction est d’apporter du liant à la conversation. Parmi eux : « hein », « tu vois », « voilà voilà », « bref » ou « du coup ».
Si l’on reproche régulièrement à ses interlocuteurs l’utilisation de « du coup », l’expression est en réalité (presque) correcte. On l’emploie en effet comme connecteur logique depuis le XIXe siècle. Synonyme de « en conséquence », elle permet de relier deux arguments par un lien de cause à effet. Avec le temps, ce lien de causalité s’est lentement effacé, et le sens de « du coup » a presque entièrement glissé vers « finalement », pour devenir un simple tic de langage.
7. Soigner ses accords
En grammaire, les accords servent à écrire la bonne forme des mots en fonction d’autres, dont ils dépendent. Les mots peuvent prendre une forme masculine, féminine, se décliner au singulier ou au pluriel. Tout ceci afin d’assurer une meilleure compréhension de la phrase.
Problème : les accords des participes passés donnent souvent du fil à retordre, car la logique derrière les règles d’accord peut être compliquée à cerner. Et les cas particuliers et les nombreuses irrégularités que compte la langue française n’arrangent rien à la chose. Retour sur les points les plus ardus.
Le verbe « faire »
S’il est suivi d’un infinitif, le verbe « faire » ne s’accordera pas. Toutefois, sans infinitif après, on peut tout à fait accorder le participe passé. On écrira ainsi :
- « Les nouvelles amies qu’elle s’est faites » ;
- « Le lycée dont elle s’est fait renvoyer ».
Attention : les règles appliquées aux verbes pronominaux fonctionnent aussi avec le verbe « faire ». Ainsi, pas question d’écrire « Elle s’est faite une entorse ». En effet, le sujet « elle » ne s’est pas « faite » elle-même. Sinon, le verbe « faire » aurait le sens de « fabriquer » (c’est le cas, par exemple, dans la formule « Rome ne s’est pas faite en un jour »). La bonne formulation est : « Elle s’est fait une entorse ». Et on évitera idéalement la liaison, pour ne pas créer de confusion.
Le cas « avoir l’air » + adjectif
Comment accorde-t-on « avoir l’air + adjectif » ? Là encore, il s’agit d’une question de sujet. Si le sujet désigne une personne, l’adjectif peut s’accorder soit avec le sujet, soit avec « l’air ». En revanche, si l’adjectif est suivi par un complément, l’accord avec « l’air » est obligatoire. On écrira ainsi :
- « Elle a l’air sérieux / sérieuse » (les deux sont corrects) ;
- « Elle a l’air sérieux comme un pape ».
Attention : si le sujet est une chose, l’accord avec le sujet est obligatoire. En effet, un objet inanimé ne peut avoir l’air. On écrira donc : « Ces propositions ont l’air sérieuses ».
8. Éviter les redondances
Le pléonasme, ou l’art de dire deux fois la même chose, peut être un procédé stylistique, mais la plupart du temps, il est involontaire et donc à proscrire. On évitera ainsi :
- « au jour d’aujourd’hui » ;
- « voire même » ;
- « comme par exemple » ;
- « préparer en amont » ;
- « incessamment sous peu » ;
- « s’avérer vrai »…
Sans surprise, les répétitions sont elles aussi à bannir. C’est d’autant plus vrai sur Internet, où le temps d’attention des internautes est limité. Mieux vaut miser sur des phrases d’une dizaine ou d’une quinzaine de mots, au risque de diluer l’information principale. Pour aller droit au but, on peut appliquer quelques règles simples :
- Une idée par phrase et un thème par paragraphe. On identifie ses différents arguments et on construit sa trame avant de se lancer dans la rédaction pour ne pas s’éparpiller.
- On évite de multiplier les propositions subordonnées dans la même phrase. Lorsque c’est possible, on mettra plutôt un point.
- Les listes à puces sont toujours plus efficaces que de longs paragraphes.
9. Choisir les bonnes formules de politesse dans ses e-mails
Que l’on s’adresse à son supérieur, à un client ou à un inconnu, les formules de politesse sont toujours délicates. En effet, il faut faire preuve d’une courtoisie adaptée à la nature de la relation, mais il est parfois difficile de jauger le ton à adopter. Pour être certain de bien faire, voici ce que l’on recommande.
En début d’e-mail
La règle générale à toujours respecter, par e-mail, est de dire bonjour et de personnaliser l’introduction en incluant le prénom ou le nom de son interlocuteur.
En fin d’e-mail
Inutile de faire des courbettes, encore moins dans un format qui se veut concis et précis. On peut donc opter pour les formules suivantes pour clôre la discussion :
« Cordialement », « Sincèrement », « Bien à vous », « Salutations », « Excellente journée », voire « Bien à vous », « Passe(z) une bonne journée » ou « À bientôt », en fonction de la nature de la relation que l’on entretient avec son interlocuteur.
On évitera de tomber dans l’écueil du trop, avec des expressions comme « Belle journée, « Bien cordialement, « Bien sincèrement, « Avec mes salutations », « En vous souhaitant une excellente journée », et dans l’écueil du pas assez, avec « Crdlt », « Cdt » ou « Cdlt ».
10. Utiliser les emojis avec parcimonie
Une légende controversée raconte que la première trace d’un emoji remonterait au XVIIe siècle. C’est en 1648 que Robert Herrick, un poète anglais, aurait employé l’ancêtre de tous les smileys, « 🙂 », dans son poème To Fortune. Cependant, pour certains, il ne s’agirait que d’un signe de ponctuation ajouté par un éditeur, puisqu’une version de 1862 présente ce texte sans ce « smiley ». D’autres avancent que le premier emoji daterait justement de 1862 et apparaîtrait dans un discours d’Abraham Lincoln, qui contiendrait un « smiley clin d’œil » : « 😉 ».
L’emoji n’apparaîtra en tant que tel que dans le courant des années 1980, pour se populariser largement la décennie suivante. À cette époque, il porte le nom d’émoticône et s’écrit avec les signes de ponctuation, comme « 🙂 » ou « 🙁 » , voire « ¯\_(ツ)_/¯ ».
C’est en 1999 que Shigetaka Kurita, un artiste japonais, crée les emojis que l’on connaît aujourd’hui, et les nomme ainsi à partir du préfixe « e » pour « electronic » et « moji » pour « personnage ». En 2011, Apple intègre les emojis à ses claviers iPhone et Mac. Depuis, les emojis se sont immiscés dans toutes nos communications, y compris professionnelles. Mais est-ce une bonne idée ? Voici nos règles de bonnes conduite :
- Dans un contexte professionnel, mieux vaut ne pas utiliser d’emoji dès le premier contact. Cela pourrait être perçu comme une trop grande marque de familiarité ou un manque de sérieux.
- On préférera des emojis simples, sans ambigüité, universels et faciles à comprendre.
- À l’inverse, on évitera les emojis qui traduisent une émotion négative, excepté peut-être pour montrer son empathie.