Anglicismes : sont-ils légitimes ou doit-on les bannir ?
Les anglicismes : pas tous logés à la même enseigne
Qu’ils vous hérissent le poil ou que vous les chérissiez au point d’en placer trois par phrase, force est de constater que les mots anglais prennent leurs aises sous nos latitudes. Mais tous ont-ils vraiment leur place dans la langue de Molière ?
Les irréductibles
Les anglicismes, on aime ou on n’aime pas. Mais tout de même, certains mots anglais sont difficilement effaçables de notre vocabulaire, même pour nous Français. Prenons l’exemple d’un match de football. Il semble facile de remplacer match par « partie » pour utiliser un mot français. Mais quid de football ? Difficile de parler d’une « partie de ballon-pied »… Essayez à l’occasion d’un week-end, vous verrez ! Aïe ! Là-aussi, compliqué de trouver un remplaçant pour ce terme profondément ancré dans notre vocabulaire.
Ceux dont on peut se passer
Faire un jogging, liker une photo, forwarder un mail… Bon nombre d’expressions utilisées au travail ou dans nos loisirs pourraient quant à elles être remplacées par des expressions françaises. Faire de la course à pied, aimer une photo, transférer un courriel : l’équivalence existe. Libre à chacun d’utiliser l’expression française ou son équivalent en anglais.
Pour autant, les avis divergent, et sur ce point, l’Académie française défend bec et ongles l’usage du français. Ainsi, mieux vaut dire « être dépendant à une série » qu’être addict. Vous opterez pour le « retrait en magasin » plus que pour le click and collect, en récupérant vos achats au « point retrait » plutôt qu’au drive. Peur de perdre vos followers en vous interdisant l’usage des anglicismes ? Que nenni, vos « acolytes des illustres » vous suivront. Vous aussi vous êtes sceptiques sur cette équivalence ? Voyez avec l’Académie française mais en effet, certaines équivalences sont plus heureuses que d’autres.
Entre dire « point de retrait automobile » et « Drive », les utilisateurs vont vers ce qui est le plus ramassé, le plus court, car on n’a pas le temps.
N. Ragonneau – Éditions Assimil
Ceux qui sont infondés
Nombre de faux anglicismes se sont confortablement installés dans notre vocabulaire. Entendez par là des mots à consonance anglaise mais qui n’existent qu’en France. Vous n’avez pas compris ? Je m’explique. Le mot parking, par exemple, n’existe pas en anglais. Les Anglais disent car park et les Américains parking lot. Idem pour le camping. On parlera d’un camp site pour désigner l’aire où l’on installe des tentes. Quant au camping-car français, on appelle ça un camper van outre-Manche.
Ceux qui font plus de mal que de bien
À trop vouloir s’approprier des termes anglais, on en perd parfois le sens des mots. En effet, certains mots anglais glissent d’une langue à l’autre, par similitude de forme, et sont utilisés en français avec un sens différent.
Nicolas Ragonneau, directeur marketing aux éditions Assimil et grand amoureux des langues, nous livre cet exemple : « On entend souvent l’adjectif ‘’déceptif’’ dans certaines réunions, pour évoquer quelque chose de décevant. C’est un anglicisme. Or, deceptive en anglais ne veut pas dire décevant : ça veut dire trompeur. On s’empare donc d’un mot anglais pour être plus branché, mais on obtient malheureusement ce glissement sémantique un peu ridicule. En conclusion, les mots anglais sont complètement détournés de leur sens premier et on ne parle ni bien le français ni bien l’anglais. »
Rappelez-vous, à l’école, les professeurs d’anglais appelaient cela les « faux-amis ». Rien à voir avec Judas. On parle de faux-amis quand deux mots de deux langues différentes ont des similitudes de forme mais des significations différentes. On peut citer sensible qui veut dire « raisonnable », actually qui se traduit par « en fait », ou encore affair qui évoque une relation adultère.
Où les anglicismes sévissent-ils le plus ?
Les emprunts à l’anglais existent depuis très longtemps, mais la tendance s’est accélérée ces dernières décennies. Ce phénomène s’explique notamment par le statut de l’anglais comme langue internationale, et par le fait que l’anglais soit la langue officielle des États-Unis, dont l’influence est très puissante, tant culturellement qu’économiquement.
Dans le sport et les loisirs
Football, basketball, volleyball, match, sponsor, fair-play… la liste est longue dans le domaine du sport. Même constat dans nos loisirs où l’utilisation des anglicismes est légion : pop-corn, best-seller, brunch, happy hour, fast-food, DJ, low cost, discount, etc.
Dans l’univers de la technologie
Évoluer dans l’univers de la tech en bannissant les anglicismes relève de l’impossible, tant et si bien qu’on en oublierait presque que certains mots sont anglais. Petit florilège : web, zoom, post, chat, downloader… La liste est longue là aussi.
L’entreprise : un terreau (très) fertile !
Le monde de l’entreprise, et sans doute encore plus l’univers de la communication et du marketing de la mercatique, utilisent beaucoup d’anglicismes. Imaginons, à titre d’exemple tout à fait fortuit, une conversation en plein open space dans une agence française. (Attention, les mots qui vont suivre pourraient heurter la sensibilité des plus francophones) :
« Hello !
– Salut ! Je t’ai envoyé un reminder
– Ah oui on a un call ensemble. Je rentre ça dans mon planning direct. Mais c’est quoi déjà la deadline pour préparer le pitch ?
– Check tes mails, j’ai tout mis dans le brief. Mais il faut qu’on propose quelque chose de challenging.
– C’est vrai que la dernière fois, les feedbacks n’étaient pas top.
– Okay, on se redit ASAP ! »
Chacun est libre d’utiliser ces anglicismes, mais dans la plupart des cas, ces emprunts à la langue anglaise ont leur équivalent en français. Mais cela peut aussi gagner du temps en utilisant des mots plus courts.
Anglicismes et SEO
Utiliser des anglicismes en rédaction web est-il bénéfique en matière de SEO ? Pardon, en matière d’optimisation des moteurs de recherche, voulais-je dire. Mathieu Doubey, manager du pôle SEO chez WAM précise : « Lorsqu’il existe des anglicismes très connus, les volumes de recherche seront plus importants sur le mot-clé en anglais que sur le mot-clé en français. Si on parle du cloud par exemple, stockage ou nuage ne génèrent pas du tout le même volume de mots-clés. »
En résumé, sauf si vous êtes très (très) attaché à la langue française, mieux vaut utiliser les mots les plus usités, même s’il s’agit d’anglicismes. Mathieu précise néanmoins : « Si demain j’écris un article sur la thématique du cloud mais que j’utilise les mots stockage ou nuage, Google pourra tout de même me référencer dans le cloud grâce à différents mécanismes. Mais j’arriverai en page 200 dans les résultats. Donc c’est se tirer une balle dans le pied. »