Paywalls et SEO font-ils bon ménage ?
Selon Marion Wyss (consultante spécialisée dans les médias digitaux), depuis plusieurs années, on remarque que le modèle publicitaire seul ne fonctionne plus pour la presse en ligne. En effet, les formats pubs traditionnels sont peu cliqués et souvent considérés comme une gêne. Ils deviennent donc moins nombreux et moins rentables. Face à cette problématique, plusieurs médias ont choisi des stratégies de monétisation basées sur le profil des lecteurs et de leurs comportements de consommation. C’est ainsi que l’utilisation des paywalls s’est développée.
Qu’est-ce qu’un paywall ?
Un paywall, est une barrière virtuelle qui empêche les utilisateurs d’accéder au contenu d’un site web s’ils ne paient pas ou ne sont pas inscrits.
Lorsqu’un site web en utilise un, il peut fournir un certain nombre d’articles avant de demander à l’utilisateur de s’abonner ou de payer.
Les paywalls occupent désormais une place prépondérante dans le paysage des médias en ligne. En effet, plusieurs causes ont engendré cette bascule vers un système tourné autour de l’abonnement. Tout d’abord les publicités types taboolas et outbrains sont de moins en moins cliquées par les internautes et donc engendrent une baisse des revenus publicitaires des médias en ligne.
L’autre point est l’obligation des sites à demander le consentement des utilisateurs pour récupérer leurs données personnelles (cookies consent) afin de mettre en place des publicités ciblées. Face à ces deux constats, les paywalls et donc les abonnements sont venus naturellement comme une source de revenu alternative.
Pour qu’un paywall fonctionne correctement, il faut fournir du contenu original et à forte valeur ajoutée. Privilégier la qualité à la quantité mais aussi fidéliser votre communauté d’abonnés afin qu’elle continue de souscrire à votre média en ligne.
Les principaux modèles de paywalls
Il existe une multitude de paywalls qui sont tous différents les uns des autres. Afin de faciliter la compréhension, nous avons choisi de vous présenter le fonctionnement des 5 paywalls le plus souvent utilisés, à savoir :
- Hard paywall
- Soft paywall
- Lead-in paywall
- Metered paywall
- Dynamic paywall
Hard paywall
Avec un « hard paywall », l’éditeur place l’ensemble de son contenu derrière un paywall. Il n’existe aucune méthode pour accéder au contenu sans s’inscrire.
De plus, un blocage strict réduit considérablement le nombre de visites d’un site web. Par conséquent, moins d’annonceurs sont prêts à placer des publicités sur ces pages.
Soft paywall
Pour un soft paywall l’éditeur fournit uniquement une partie d’un article et non l’entièreté aux personnes non abonnées.
Lorsqu’un visiteur atteint la limite d’échantillons gratuits, il est invité à s’abonner pour continuer à lire des articles supplémentaires.
Lead-in paywall
Ce type de paywall, consiste à fournir gratuitement un extrait d’un article pour inciter les lecteurs à s’abonner s’ils veulent lire la suite de l’article.
L’avantage de cette option est qu’il est possible d’utiliser des données structurées dans le résumé.
Metered paywall
Avec un metered paywall, le lecteur dispose d’un certain nombre d’articles à lire gratuitement avant d’être invité à s’abonner. Il permet aux utilisateurs d’accéder au contenu avant de s’abonner.
On trouve parfois un mélange de metered et de soft. C’est-à-dire que les utilisateurs peuvent lire un certain nombre d’articles gratuits avant d’être invités à s’abonner. À noter que les autres articles se trouvent derrière un paywall et ne font pas partie de l’échantillon gratuit.
Dynamic paywall
C’est un type de paywall qui peut être résumé comme étant personnalisable à l’aide d’un logiciel.
Le logiciel installé sur le site web de l’éditeur va permettre d’offrir une expérience personnalisée à chaque utilisateur.
Par exemple, il est possible d’utiliser un logiciel comme “Sophi” pour configurer un paywall et qu’il s’active lorsqu’un utilisateur a de fortes chances de s’abonner.
Que font nos médias français ?
Afin d’avoir une vision globale, nous avons choisi d’analyser la stratégie de paywall de 5 médias. Mais aussi, les différents choix qui s’offrent aux utilisateurs en termes de consentement aux cookies.
Le Figaro
Le Figaro permet d’accéder aux contenus gratuits dans leur intégralité, sans aucune restriction. Les articles réservés aux abonnés sont mis en exergue à l’aide d’une pastille jaune et donnent l’occasion de consulter le titre, l’introduction ainsi que les premières lignes de l’article.
Au niveau de l’abonnement, on a un CTA dans le header et footer mais aussi à l’intérieur des articles. On remarque aussi que les offres d’abonnement ne sont pas incluses dans les CTA, il faut cliquer sur le bouton “J’EN PROFITE”
La bannière de consentement au dépôt de cookies offre deux options : le consentement, ou le refus. En cas de refus de l’utilisateur, le doyen des journaux français invitera l’internaute à passer à une formule payante.
AlloCiné et JV (jeuxvideos.com)
L’ensemble des articles est accessible gratuitement et aucun de leurs contenus ne sont soumis à un abonnement.
En revanche, si on souhaite mettre une note ou laisser un commentaire il faut créer un compte directement sur le site.
Pour les “cookies consent” on peut choisir d’accepter de fournir nos données ou payer pour ne pas les fournir. Pour les deux médias, il n’y a pas de formule d’abonnement. Il s’agit donc de choisir entre envoyer ou non ces données personnelles.
Femme Actuelle
Plus de la moitié des articles sont en accès libre.
Les contenus pour les abonnés sont différenciés par un sigle ”FA”en rouge.
Dans les contenus réservés aux abonnés on peut lire le titre et une partie de l’article.
Le paywall est présent uniquement dans les articles pour les abonnés et il suffit de fournir son mail pour lire la suite.
Le header de la page contient un bouton permettant de prendre connaissance des différentes formules d’abonnement à Femme Actuelle, au format papier ou numérique.
Pour les “cookies consent” on retrouve les mêmes choix que pour AlloCiné et JV.
Mediapart
La totalité des articles sont soumis à un paywall, mais il est quand même possible de lire le titre, l’introduction et une partie du début de l’article.
Les options d’abonnement sont présentées sous forme de bandeau dans le pied de page. On a également un bouton s’abonner en rouge dans le header. Ce qui est intéressant c’est qu’il y a un CTA dans les articles qui explique pourquoi s’abonner et comment cela aide financièrement mediapart.
Enfin, pour les cookies consent on peut soit accepter de fournir nos données ou refuser sans que cela ne nous empêche d’accéder et de parcourir le site internet.
Que dit Google au sujet des paywalls
Google n’est pas contre les contenus payants, à condition que le site Web indique à Google que son contenu se trouve derrière un mur payant.
En revanche, il y a deux types de paywalls qui sont privilégiés par Google :
- les metered paywalls
- les ‘lead-in’ paywalls.
Recommandations Google
Google recommande d’utiliser les données structurées de la catégorie CreativeWork dans vos articles ayant du contenu payant.
Voici les différentes données structurées qui sont présentes dans cette catégorie :
Ces données structurées vont aider Google à différencier le contenu payant de la pratique du cloaking , qui enfreint les politiques anti-spams et qui peut engendrer une pénalité.
Concernant les données structurées, il vous faut respecter ces trois consignes principales :
- Formats autorisés de données structurées : JSON-LD et microdonnées.
- Utiliser les .class afin de distinguer les sections gratuites et payantes d’un article.
- Ne pas imbriquer les sections de contenu.
Utilisation des données structurées avec un paywall
Afin de vous aider à comprendre comment utiliser des données structurées avec un paywall, nous allons vous montrer des exemples d’utilisations.
Tout d’abord, vous allez utiliser une donnée structurée en ajoutant les éléments de la page que vous voulez placer derrière votre paywall.
Enfin, vous devez indiquer les parties de votre contenu qui seront accessibles gratuitement et celles qui ne le seront pas.
Si vous ne souhaitez pas en implémenter, mais que vous vous demandez si un site de presse en ligne utilise ou non un paywall pour Google, voici comment procéder.
Tout d’abord, il faut vous rendre sur l’outil de test des résultats enrichis.
Puis, placer l’URL d’une page que vous souhaitez tester.
Une fois que vous avez terminé, il faut aller dans la rubrique éléments détectés et voir si vous avez une trace d’un paywall indiqué via les données structurées. Exemple ici médiapart utilise bien un paywall.
Les implémentations techniques de paywalls
Précédemment, nous avons vu les principaux paywalls que l’on peut trouver sur la presse en ligne. Seulement, il existe des implémentations de paywalls particulières.
User-Agent paywall avec vérification IP
Avec ce type de paywall, le site web servira deux versions HTML différentes :
- Une version HTML payante pour les utilisateurs réguliers.
- Une version pour les robots d’exploration de Google contenant l’article intégral et un extrait de données structurées.
Avec la vérification de l’adresse IP le site va s’assurer que l’adresse du Googlebot corresponde bien à celle de Google. Si l’adresse IP n’est pas celle de Google alors l’accès est rejeté et le paywall revient.
De cette manière, votre contenu sera :
- Explorable et indexable par Google.
- Protégé des utilisateurs souhaitant contourner le paywall.
JavaScript
Il s’appuie sur le JavaScript côté client pour afficher un paywall superposé aux utilisateurs. Le code HTML de l’article contiendra le contenu complet de l’article.
Dans le contexte des actualités, le Javascript côté client utilisé n’empêche pas Google d’accéder au contenu payant, qui est accessible dans le HTML de la page. Ne pas proposer la même chose à l’internaute et à Google engendre toutefois un risque que nous ne vous conseillons pas.
Content-Locked
Ce type de paywall est utilisé lorsqu’un média ne souhaite fournir aucun échantillon gratuit aux lecteurs non-abonnés.
Le contenu d’un article est complètement verrouillé, il n’y a donc aucun moyen pour Google (ou pour les utilisateurs avertis) de trouver le contenu de l’article sans souscrire à un abonnement.
Le contenu d’un article est entièrement caché à tous les utilisateurs y compris Googlebot et n’est pas présent dans le code source HTML.
Récupération des données utilisateurs par les sites de presse
Tout d’abord, les sites médias comme n’importe quel autre site sont dans l’obligation dans le cadre du RGPD de demander le consentement des utilisateurs pour collecter leurs données personnelles.
Face à cette obligation, certaines maisons de presse ont utilisé les Consent Wall. Cette nouvelle réglementation a bouleversé le modèle économique des sites de presse. En effet, la plupart de ces sites ont besoin de pubs pour fonctionner. Or, maintenant si un utilisateur refuse les cookies alors ils ne peuvent plus faire de publicités.
Afin de contrer ce problème, ces sites ont choisi de laisser deux choix aux lecteurs :
- Soit ils acceptent de fournir leurs données personnelles et peuvent accéder gratuitement au site. Dans ce cas, les sites de presse continuent de faire de la pub comme avant.
- Soit, ils refusent et dans ce cas les sites de presse vont demander à payer un abonnement pour consulter les contenus qu’ils proposent.
Attention, le fait de payer pour ne pas envoyer vos données personnelles ne vous donne pas systématiquement accès aux articles qui sont soumis à un paywall et donc réservés aux abonnés. Il est donc possible de payer une fois pour ne pas donner vos données et une autre fois pour accéder à tous les articles disponibles.
L’impact à court et/ou long terme
La mise en place d’un paywall sur un site web n’est pas une chose à prendre à la légère. En effet, il est important de choisir le bon paywall pour qu’il soit en adéquation avec votre stratégie de contenu. Enfin, qu’importe le paywall choisi, il va s’accompagner d’impacts positifs et ou négatifs à court et long terme.
Impacts sur l’acquisition de liens
Les articles payants ont beaucoup moins de chances d’être cités comme sources et de faire l’objet de liens.
Cela peut engendrer plusieurs inconvénients :
- Les contenus payants accumulent moins de liens que le contenu gratuit.
- L’autorité d’un site provenant des liens externes diminue avec le temps et ne sont pas remplacés par des liens plus récents.
- La capacité d’un site à être bien classé dans les résultats de recherche de Google.
Quels impacts pour les médias en ligne ?
Impact à court terme | Impact à long terme |
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+ Génération de revenus en vendant l’accès au contenu – Réduire le nombre de visiteurs réguliers – Entraîner une diminution de la visibilité en ligne du contenu | + Augmentation des revenus – Réduction du trafic organique Augmentation de la fidélité des utilisateurs – Diminution de la portée du contenu |
En résumé
- Il existe une multitude de paywalls. Leurs implémentations vont dépendre de la stratégie adoptée par le site internet.
- Google n’est pas contre les contenus payants à condition de lui préciser le contenu se trouvant derrière un paywall.
- Pour les articles ou pages ayant du contenu payant, il faut utiliser des données structurées de la catégorie CreativeWork.
- Chaque implémentation technique de paywall dispose d’avantages et d’inconvénients en terme de SEO et de protection de contenu.
- Les articles payants ont tendance à recevoir moins de liens.